Les Danaïdes de l'amour


 

 

"Les êtres nés rassasiés - il y en a beaucoup - ne connaîtront jamais cette angoisse permanente, cette attente active, cette fébrilité, cette misère qui éveille jour et nuit. L’homme se construit à partir de ce qu’il a connu au cours des premiers mois de sa vie : s’il n’a pas éprouvé la faim, il sera l’un de ces étranges élus, ou de ces étranges damnés, qui n’édifieront pas leur existence autour du manque" Biographie de la faim, A. Nothomb

Voilà une métaphore qui m'a parlée, bien que je ne sois que partiellement fan d'Amélie Nothomb. Mais je trouve qu'il en va des besoins d'amour, comme des besoins vitaux (la faim et la soif). C'est aussi vrai pour la soif de savoir du reste, mais bornons-nous aux sentiments (oui, c'est la rubrique qui veut ça). Reprenons.

Certains naissent rassasiés. Ce sont ceux qui trouveront leur moitié, illico, qui les comblera toute leur vie (sans avoir réellement conscience, que pour eux, il existe pleins de moitiés parfaites), ils auront leur compte de tendresse, de complicité, choses qui, pour faire du Freud à trente centimes d'euros, ne leur a jamais manqué dans l'enfance. Ils étaient déjà comblés et accueillent la vie avec la confiance sereine de ceux qui n'auront pas à chercher l'impossible.

D'autres naissent affamés. Toujours pour reprendre la psychologie de bas étage, il s'agit de ceux qui sont nés en manque. En manque d'amour notamment. A raison ou à tort d'ailleurs. Car, il n'est nul besoin d'avoir été abandonné ou rejeté pour se sentir dès son premier âge vaguement malaimé. Ceux-là développent un cœur à aimer le monde entier pour compenser leur faim d'amour. Et à moins de rencontrer un sur-homme sortie d'une autre galaxie qui combleraient jusqu'à leurs désirs les plus secrets, chose qui n'arrive que très rarement, les affamé(e)s le restent toute leur vie.

Ah oui. Bien sûr, la conclusion. La faim n’est pas "socialement explicable". Il ne faut pas toujours juger ou blâmer ces affamés si d'aventure on les trouvait trop volages ou trop instables ou, surtout, trop insatiables, on ne choisit pas de naître avec la soif de tout, on ne choisit pas d'être un tonneau des Danaïdes.